La sobriété énergétique désigne une démarche volontaire de diminution des consommations d’énergie au moyen d’un changement de nos modes de vie et de nos organisations collectives.
La sobriété énergétique constitue l’un des piliers de la transition énergétique, avec le développement des énergies renouvelables et l’efficacité énergétique.
Souvent confondues, ces notions constituent pourtant deux démarches bien distinctes, toutes deux essentielles à la transition énergétique.
L’efficacité énergétique désigne la capacité d’un objet ou d’un service à consommer moins pour un même service. Cette notion est donc directement liée à une question de performance technologique. Alors que la sobriété énergétique est une démarche liée au comportement des consommateurs.
Prenons un exemple : s’équiper d’ampoules haute performance relève de l’efficacité énergétique ; ne pas laisser des pièces non utilisées éclairées relève de la sobriété énergétique. Et bien sûr, l’un n’empêche pas l’autre : s’équiper d’ampoules LED basse consommation ne dispense pas d’éteindre une pièce vide !
À noter que sobriété énergétique et efficacité énergétique constituent les 2 piliers complémentaires de ce que l’on appelle la maîtrise de la demande en énergie (MDE).
Parce que notre consommation d’énergie ne cesse d’augmenter. Par exemple en France, entre 1960 et 2007, la consommation d’énergie moyenne d’un individu a été multiplié par 3,2 selon le Labo de l’ESS1.
Une hausse telle que les efforts et les avancées technologiques en termes d’efficacité énergétique ne sont pas suffisants pour accélérer la transition énergétique. C’est pourquoi la loi sur la transition énergétique pour la croissance verte de 2015 inscrit la réduction de notre consommation d’énergie comme un pilier essentiel de la transition énergétique.
négaWatt est une association à but non lucratif créée en 2001, qui vise selon ses mots à « montrer qu’un autre avenir énergétique est non seulement réalisable sur le plan technique, mais aussi souhaitable pour la société ».
Pour cela, l’association réunit une vingtaine d’experts travaillant dans le secteur de l’énergie. Elle œuvre sur un travail de prospective, en définissant par exemple un scénario énergétique à horizon 2050 ; et un travail de plaidoyer en faveur de la transition énergétique, auprès de décideurs politiques et économiques.
En France, l’association négaWatt a été l’un des premiers acteurs à s’emparer de la question de la sobriété énergétique ; et à contribuer largement à sa démocratisation.
Pour étayer sa réflexion sur la question, l’association négaWatt propose une grille d’analyse de la sobriété énergétique en 4 leviers2 :
Il s’agit de revoir dans l’espace nos organisations collectives pour inciter davantage à réduire nos consommations.
Un exemple ? Plus encore que les voitures électriques individuelles, les véhicules électriques en autopartage permettent de répondre à des besoins souvent spontanés de déplacement court.
L’idée est de consommer à la hauteur de nos besoins, de dimensionner de manière juste nos postes de consommation.
Un exemple ? Ai-je vraiment besoin de ce réfrigérateur maxi format alors que j’habite seul dans mon appartement ?
Elle vise à réduire le niveau et la durée d’utilisation de nos équipements consommateurs d’énergie.
Un exemple ? Je vais éviter de laisser mes appareils électriques en veille et de trop chauffer ma maison.
Elle consiste à mutualiser des équipements et leur utilisation au sein d’organisations collectives.
Un exemple ? Les Fab Lab sont des lieux ouverts au public, permettant d’accéder à des outils de fabrication.
Dans le cadre de son scénario énergétique, négaWatt envisage une réduction de notre consommation d’énergie de 28% entre 2015 et 20503. À l’instar d’autres acteurs de la transition énergétique, elmy s’inscrit dans cette démarche en accompagnant ses clients dans la maîtrise de leur consommation d’énergie.
négaWatt définit les mesures à entreprendre dans les domaines d’activité les plus énergivores : les transports, le bâtiment et l’agriculture2.
Commençons par le plus important, puisque le secteur des transports constitue le premier poste d’émissions de gaz à effet de serre en France. Selon négaWatt, plusieurs mesures permettent de gagner en sobriété énergétique dans ce domaine.
Réduire la vitesse
Tout d’abord la réduction de la vitesse maximale autorisée sur les routes et les autoroutes. Concrètement, passer d’une vitesse de 130 km/h à 110 km/h réduit la consommation de carburant de 25%. Et un trajet de 100 km n’est allongé que de 8 min !
Diminuer les distances
Ensuite, l’association envisage une diminution des distances parcourues de 16% de 2015 à 2050. Cela passe par exemple par un usage de l’avion réservé à des trajets très ponctuels et lointains. Au profit de destinations plus proches, accessibles en train notamment.
Unsplash, Ethan Hu
Changer de moyens de transport
L’idée est simplement de privilégier des moyens de transport moins polluants. Tout d’abord côté voyageurs, en réduisant l’usage de l’avion et de la voiture ; et en augmentant l’usage du vélo, des transports en commun et du train. Puis côté marchandises, en réduisant le fret routier au profit du transport fluvial et ferroviaire.
Les bâtiments résidentiels et tertiaires constituent le premier secteur consommateur d’énergie en France. Mettre en place des mesures de sobriété énergétique est donc un besoin impérieux pour assurer la transition énergétique.
Maîtriser le parc bâti existant
La construction de bâtiments résidentiels et tertiaires a tendance à croître plus vite que la population, entraînant une augmentation globale de la consommation d’énergie. Stabiliser le nombre de personnes par logement (par exemple via la cohabitation intergénérationnelle) ou favoriser le petit collectif (plutôt que les maisons individuelles) permettraient de répondre à cet enjeu.
Maîtriser le nombre d’équipements électriques
Des mesures concrètes permettraient de gagner en sobriété sur la consommation de nos appareils électriques. Il peut s’agir par exemple de se contenter d’un seul grand téléviseur par foyer ou de préférer les frigos combinés aux congélateurs. Réduire le nombre d’écrans dans l’espace public ou de serveurs informatiques non utilisés constituent également des vecteurs importants d’économies d’énergie.
Maîtriser l’éclairage
Ce n’est pas parce que la technologie a permis de rendre l’éclairage moins énergivore qu’avant (notamment grâce aux LED), qu’il faut en mettre partout et toujours plus ! négaWatt envisage ainsi une réduction de la durée d’utilisation des points lumineux de 10% dans le résidentiel et de 35% dans le secteur tertiaire. Des mesures peu contraignantes, car ce sont avant tout des locaux inoccupés, mais éclairés malgré tout, qui sont pointés du doigt.
Nous avons tendance à manger davantage qu’avant. En particulier plus de viande et plus d’aliments transformés. Une évolution de l’industrie agroalimentaire qui impacte les moyens de production agricole, les cultures et les élevages, de plus en plus énergivores et émetteurs de gaz à effet de serre.
Réduire l’alimentation d’origine animale
L’idée est de partir d’un constat simple : les produits d’origine animale représentent 80% de la surface agricole en France et émettent 90% des gaz à effet de serre liés à notre alimentation. Le scénario négaWatt envisage donc une réduction de 20% de la consommation totale de protéines animales et végétales d’ici 2050. Et une diminution de 40 à 50% de la consommation de viande.
Réduire le gaspillage alimentaire
Au-delà de la question de la production agricole, la sobriété énergétique passe aussi par la réduction du gaspillage alimentaire, estimé aujourd’hui à 20 à 40% des denrées mises sur le marché. Dans ce sens, la France a mis en place en 2013 un Pacte national de lutte contre le gaspillage alimentaire. Signé par une soixantaine d’acteurs de l’agroalimentaire, ce pacte entend réduire le gaspillage alimentaire de 50% d’ici 2025.
La sobriété énergétique dans l’industrie
La hausse globale de la production de biens et de marchandises a logiquement entraîné une augmentation de la consommation d’énergie de ces moyens de production.
Allonger la durée de vie des objets
Avant de produire toujours plus, l’idée est de maximiser la vie des produits qui nous entourent. Cela passe par exemple par une réduction des produits jetables, des conditions de réparation facilitées ou encore la mutualisation d’équipements : autopartage, espaces de coworking, etc.
Augmenter le recyclage
Les efforts apportés en termes de recyclage doivent être poursuivis et même augmentés. En effet, une fabrication à partir d’un matériau recyclé consomme moins d’énergie qu’à partir de matières premières brutes. C’est environ 10 fois moins énergivore pour le plastique et 15 fois moins pour l’aluminium.
À l’instar de la question de la précarité énergétique, la sobriété énergétique a tardé a se faire une place dans le débat public. Il a fallu attendre 2015 et une accélération des mesures en faveur de la transition énergétique pour voir cette notion gagner en visibilité.
Qu’est-ce que c’est, la LTECV ?
Publiée en 2015, la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) tend à donner les moyens à la France d’agir plus efficacement contre le dérèglement climatique et la préservation de l’environnement. De manière plus pragmatique, elle vise à préparer la France à l’après pétrole en définissant un modèle d’approvisionnement énergétique robuste et pérenne.
C’est à travers l’article 1 de cette loi que s’inscrit pour la première de manière officielle la notion de sobriété énergétique :
Pour atteindre les objectifs définis […], l'Etat, en cohérence avec les collectivités territoriales et leurs groupements et en mobilisant les entreprises, les associations et les citoyens, veille, en particulier, à […] maîtriser la demande d'énergie et favoriser l'efficacité et la sobriété énergétiques.
Les objectifs de sobriété énergétique de la LTECV
Pour ancrer cette volonté, la loi a fixé différents objectifs chiffrés4, dont :
– une réduction de la consommation énergétique finale de 30% entre 2012 et 2030 ; et de 50% d’ici 2050 ;
– une diminution de la consommation énergétique primaire d’énergies fossiles de 30% entre 2012 et 2030 ;
– une réduction de 50% de la quantité de déchets déposés en décharge entre 2015 et 2025.
Qu’est-ce que c’est, le plan sobriété énergétique ?
Depuis la crise du COVID et le conflit russo-ukrainien, la transition énergétique est devenue, plus que jamais, une priorité du gouvernement français.
Ainsi, les orientations décrites au sein de la loi de transition énergétique pour la croissance verte se sont vont complétées en 2022 par un Plan sobriété énergétique, annoncé par Emmanuel Macron et porté par la Première ministre Elisabeth Borne et la Ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runnacher.
Ma priorité, c’est que l’État soit exemplaire en la matière. À court terme, ma conviction est qu’il faut s’attaquer aux économies d’énergie en matière de mobilité des agents : c’est le premier facteur d’émissions de l’État (pour près de la moitié). Le secteur privé, les grands opérateurs et les grandes entreprises ont aussi leur rôle à jouer. Nous devons trouver des solutions secteur par secteur, des solutions adaptées à tous.
Les objectifs du plan sobriété énergétique
Le plan sobriété énergétique entend réduire notre consommation d’énergie de 10% en 2022 par rapport à 20195.
Pour atteindre cet objectif, le gouvernement souhaite mener une stratégie énergétique française reposant sur 4 piliers :
– la sobriété énergétique bien sûr, pour réduire directement nos consommations ;
– l’efficacité énergétique, pour minimiser notre besoin en énergie pour un même usage ;
– l’accélération du développement des énergies renouvelables ;
– la relance de la filière nucléaire française.
Le Gouvernement souhaite mobiliser tous les acteurs autour de plan sobriété énergétique. Aussi bien l’ensemble des citoyens à titre individuel, que les entreprises, les lieux publics ou encore les acteurs du logement. À noter que l’État et ses administrations s’engagent également à être exemplaires en la matière.
Jusqu’alors, notre économie moderne s’est fondé sur un accès facilité à une énergie surabondante et peu chère. Qui a permis une production de consommables et de services toujours plus importante et rapide.
Ainsi le progrès économique, l’accumulation de biens et la consommation immédiate semblent s’être imposés comme des fins en soi, des marqueurs évidents d’épanouissement personnel.
Unsplash, Victoria Alexandrova.
Pourtant, nous constatons de plus en plus les conséquences de cette société de surconsommation. Aussi bien sur l’aspect humain : inégalités économiques, déshumanisation du travail, etc. Que sur l’aspect environnemental : dérèglement climatique, extinction d’espèces vivantes, pollution, etc.
Cette prise de conscience nous pousse à la sobriété énergétique. Mais cette démarche semble aux antipodes des valeurs transmises par la société de consommation. La sobriété énergétique reste souvent associée à un pessimisme anxiogène, à des changements contraignants de nos modes de vie ou encore à un ralentissement économique.
Pour engager une vraie dynamique globale de sobriété énergétique, il convient donc d’arrêter de confronter ces deux paradigmes. De cesser d’opposer la vision positive d’une éternelle croissance à la vision négative d’une sobriété régressive.
Entreprendre une démarche de sobriété énergétique ne doit pas seulement passer par la contrainte. Cela doit passer par un changement culturel voire civilisationnel profond, qui fait d’un avenir juste et durable une véritable fin en soi. Il faut parvenir à s’affranchir de cette quête systématique de « toujours plus », au profit d’une quête d’un mieux-être individuel et collectif.
Enfin, la sobriété énergétique n’est pas qu’une démarche individuelle ; et ne résume pas à des écogestes. Elle doit faire l’objet d’une démarche collective et globale. Pour cela, il est essentiel qu’elle soit portée par les acteurs publics et les entreprises.